LE TEMPS DES CREUX

Ma pratique est un peu jeune. Des 36 minutes passées à discuter me reste ces mots comme du vinaigre tombé dans l'eau. L'épiderme de mon affect est trop sensible à l'alcalinité sûrement, le reste de l'entretien c'est bien passé. Et ces mots n'ont pas été les derniers, mais ils scellent quand même l'acidité du liquide que l'échange à la suite, trop bref parce que dépassant déjà le temps imparti, ne pourra pas rendre plus buvable. Le temps que je ne perdrais pas à postuler, à frapper à une porte que ma pratique ne saurait ouvrir, cette économie laisse rapidement place à un creux, un vide où j'ai déjà laissé beaucoup de temps pour retrouver du sens. Une pratique de 15 ans n'est pas un peu jeune. Elle a assurément ses sinuosités, marquée d'impasses où ma créativité m'engouffre à l'aveugle, rendant l'histoire plus cabossée. Cette tendance arrive chez moi par peur de rentrer dans des pratiques systématiques dont le rodage trace des récits autoroutiers, à l'identification rapide. Et aussi parce que je fonce tête baissée quitte à dérailler (une autre histoire de temps à perdre). Déployer ma pratique implique de la voir se transformer comme un écosystème que l'on déplace. Le territoire de mes recherches et de mes obsessions n'est pas pour autant infini, je reviens aussi sur mes pas. Mais il semblerait que le champ de mon travail soit suffisamment vaste pour rendre sa compréhension plus complexe. Je ne veux pas tomber dans le piège d'une valorisation facile ou d'une marginalité suffisante. Plus j'avance, plus je trouve mon corpus artistique simple et clair, au-delà de ses sauts esthétiques et différentes approches.