Nous sommes ensemble un peu partout, à New York, Sharm Al Sheik, Jérusalem, Beslan ou même Madrid. Vous et moi.
Les gens pleurent autour de nous, ils arrivent aussi d’un peu partout,mais certains nous disent ne venir de nulles part.
Ils nous disent que leurs fonctions a toujours été de pleurer, mais ils ont oublié depuis longtemps pourquoi, ils pleurent (c’est tout), se cachent les yeux de tout le monde.
Et ils ont vu l’objet de leurs pertes disparaître à son tour.
Alors il ne reste plus que le vide, un manque à pleurer.
Vous ne voyez pas bien où je veux en venir.
Mais je me suis mis dans la tête d’aider ces gens. Leurs conditions de travail sont très précaires et je pense pouvoir leur proposer une meilleure entreprise, afin qu’ils retrouvent chacun une dignité perdue dans la répétition machinale de trente-cinq heures de pleur par semaine.
Cette entreprise qui s’est depuis longtemps consacrée aux larmes , c’est la SARL Baroque. En effet, elle sait proposer aux gens les meilleures dorures sur cadres, attirails décoratifs les plus spectaculaires pour élever leurs larmes dans les hauteurs sacrées de l’invisibble. Plus de figures grimacantes, les pixels grossiers deviendraient une chair passionnée, plus de bras ou de jambe tronquée par un photographe en hate de faire ses clichets. Plus de vide, non plus, ce vide stupide dans lequel chacun de ces gens ont perdus leurs origines, leurs raisons de pleurer. Le vide devient baroque, centre irreprésentable (de toute façon), traversant toutes surfaces vers un lieu où chacun peut enfin se mettre d’accord sur ce qu’il ne voit pas.
J’ai trouvé ces gens dans les magazines, au 20 heures et beaucoup sur internet. Je ne pouvais pas leurs demander de démissionner, alors je les ai reproduit (c’est en effet une propriété de ces gens que de pouvoir ce reproduire à l’identique, à l’infini. Mr Warholl, un prétendu chercheur, nous l’a bien montré).
Seulement les moyens de reproductions photographiques ne me semblaient pas appropriés. Ils ont la facheuse tendance de prendre trop de pouvoir ( pas leur principes d’authenticité, la qualification propre aux gens qui pleurent).
Il se trouve que les gens qui pleurent sont de parfaits modèle pour dessiner. Alors j’ai choisi le crayon, le papier et ma main pour reproduire chaque gens que je trouvais.
Ainsi, sans démissionner, ils devenaient par le dessin ( reproduction à moindre frais) à ma disposition pour une semaine d’essais dans ma nouvelle entreprise.