Monter au cieux



Voilà, la journée est donc sous le signe désopilant de ces humeurs aussi lourdes que le temps, plombant avec le soleil l'espoir d'un brin de fraîcheur pour le moral. Bref au diable la rhétorique, c'est une journée de merde.
Mais voici donc que au moins, j'ai pu mettre un nom sur un (et ici une) de ces artistes dont je parlais précédemment. Ceux qui dans le processus suivent la même filiation que moi, à savoir les pas du Professeur Masahiro Chatani. Elle s'appelle Ingrid Siliakus et elle est donc Architecte de Papier/ artiste (en anglais dans le texte) et son site est ici.

Donc faute de ne trouver avec Papa Judd, Papa Morris et les autres de quoi poser mes pieds, je peux au moins définir où je ne les poserais pas. Dans les territoires que (avec la peur d'un jugement trop hatif) Ingrid a donc choisi, une forme qui s'éloigne terriblement du processus, de ce qui peut faire sens à mon avis. Car si elle énonce la contrainte et les difficultés propre à ce travail, ce n'est que pour valoriser le talent et l'expertise formelle dont ces pièces (ça au moins on ne peut pas le lui enlever) témoignent. La représentation n'a donc pas vraiment bougé, elle suit le chemin tranquille de l'académisme et du décoratif pour terminer avec les invitations pour mariages.


Et oui, cela complète la tour eiffel en allumette... Mais, dans une production artistique contemporaine qui se joue des styles, des registres de représentations, la destination de l'oeuvre entre galeries et bureau de tabac n'est pas forcement si évidente. Alors allons plus loin. Il ne s'agit donc plus de distinguer qu'es-ce une pratique noble et une pratique pauvre, il ne s'agit plus d'incanter les vieux mythes des avants gardes et de prôner l'originalité à tout prix.

Ingrid répond pour l'instant à tout ces critères quoi qu'on en dise, mais pourquoi mes poils se hérissent quand je vois son travail? Et bien à la différence d'un geste comme je ne sais plus qui (oups) qui achète des tableaux du dimanche sur les brocantes pour les mettre dans la galerie, le geste d'Ingrid semble dénuée d'intentions, comme si l'esthétique venait consensuellement tout justifier.

Les préceptes de la transparence post-moderne touchent à leurs fins, il ne s'agit plus maintenant de tout déconstruire, ni de concevoir un rapport à l'oeuvre dans la distance réflexive de sa place dans le monde. Mais le travail d'Ingrid n'est pas non plus dans la fraîche mouvance du réenchantement.

Je suis entrain de penser que j'aurais beau m'étaler aussi longtemps que je le peux, il y aura toujours un Super Commissaire qui un jour trouvera bon de piocher dans la production d'Ingrid Siliakus et intronisera le "genre" dans le sanctuaire de son musée aprés avoir fais une canonisation de la sainte en bon uniforme. Alors si la parole peut recouvrir plus ou moins tout en fonction des espaces symboliques que l'on maitrise, je construit ma parole autour de mon espace, de ma production.

Et je vais garder ce petit paradoxe pour la fin, je m'insurge violemment contre la production d'Ingrid (un peu comme Don Quichotte)(parce que c'est clair que c'est des enfantillages) mais comme c'est le regard et la parole qui font le reste, je veux bien boire du vin béni et l'osti de l'institution, au moins pour croire que moi aussi, je pourrais un jour monter au cieux.